La loi sur les aires protégées : un bouclier juridique pour 1,7 million d’hectares
C’est une loi à part, qui d’un point de vue historique marque relativement une certaine rupture. Depuis début août, notre droit de l’environnement compte une nouvelle législation relative aux aires protégées: parc naturel ou national, réserve biologique ou naturelle, site naturel. Il abroge ainsi l’ancien texte qui date du protectorat, le 26 septembre 1934 plus exactement. Il sera d’ailleurs à l’origine de la création du premier parc national au Maroc. Celui de Toubkal, dans les environs de Marrakech.
Date de publication | 30/08/2010 |
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Couverture géographique | Maroc |
Mots-clefs | Aires protééges, Loi |
Source | Faiçal FAQUIHI / L'Economiste |
L’article 40 de la nouvelle législation ne prévoit pas de période transitoire pour son entrée en vigueur. Autrement dit, la loi n° 22-07 est applicable depuis sa promulgation au Bulletin officiel du 2 août 2010.
De quoi réjouir le Haut commissariat aux eaux et forêts et la lutte contre la désertification qui tablait sur l’adoption définitive de ce texte dès 2011. Il est le promoteur de la loi relative aux aires protégées. Sachant que les juristes du Secrétariat générale du gouvernement -le fameux SGG- retravaillent souvent un texte avant de l’introduire dans le circuit législatif.
Heureusement cette loi n’a pas fait les frais d’une surenchère politicienne, d’une obstruction de lobbying ou d’une quelconque lenteur institutionnelle.
On jugera à l’application
En effet, le projet de loi relatif aux aires protégées a été discuté fin décembre 2009 par la commission des secteurs productifs. Deux ans auparavant, le Conseil de gouvernement avait donné son feu vert (Voir L’Economiste du 1er juin 2010).
«L’adoption d’une telle loi par le Maroc est positif en soi. Même si son efficience dépendra en grande partie de l’application qu’on en fera sur le terrain. Sachant qu’aujourd’hui la station touristique de Saïdia déverse ses eaux usées dans le bassin de Oued Moulouya et la zone humide avoisinante», affirme le professeur Mohamed Bedhri. Il est l’auteur en 2010 d’un essai sur «le Droit de l’environnement». Son ouvrage dresse un recensement des législations, existantes ou en cours d’adoption, dédiées à la protection de la nature (eau, air, littoral, forêt traitement de déchets…) et un constat critique de la situation environnementale au Maroc. Le cas du littoral, dont un projet de loi est au Parlement, est emblématique. Ce sont 3.446 km de nos côtes, déjà malmenées, qui n’ont toujours pas de bouclier juridique (L’Economiste du 6 mai 2010).
La loi sur les aires protégées, elle, se donne pour ambition de rattraper le temps perdu.
Son préambule annonce comme objectif «la conservation du patrimoine naturel et culturel, son développement, son aménagement et la recherche scientifique …».
Il était temps. Depuis 1996, le Haut commissariat a élaboré un plan directeur des aires protégées et a permis d’identifier 154 sites d’intérêt biologique et écologique (SIBE). 2,5 millions d’hectares sont concernés et regroupant les 40 grands écosystèmes de notre pays. Seuls les parcs nationaux –qui font partie des SIBE- sont juridiquement protégés depuis 1934. Les autres sites, 144 au total, sont sans protection légale. Ce qui représente en termes de superficie 1,7 millions d’hectares.
En plus du parc national, la loi consacre quatre nouvelles catégories d’aires protégées. Et dont la définition se fonde sur les critères de l’Union mondiale de la nature.
Sur le terrain, le Maroc n’a vraiment pas fait preuve d’assiduité. Qui dit aires protégées dit aussi biodiversité. Publié en 2009, le rapport national sur la biodiversité relate une réalité amère: «la tendance générale est à la dégradation et d’importantes menaces pèsent sur la biodiversité». Le rendez-vous de Nagoya au Japon prévu en octobre prochain sera manqué. Certes le Maroc y sera présent aux côtés de 192 pays membres des Nations unies. Mais il ne tiendra certainement pas le beau rôle au moment où l’on a fait de 2010 l’Année internationale de la diversité biologique.
Sa soit-disant stratégie nationale de la biodiversité 2004-2010 n’a pas donné lieu à de grands résultats. A cause entre autres de beaucoup d’improvisation et d’un grave manque de coordination. Or à Nagoya justement chaque pays doit faire son bilan. L’intérêt d’un tel exercice réside aussi dans la possibilité de prétendre après à des fonds d’aides internationaux. La loi relative aux aires protégées sera mise en vitrine.
Dommages! Car l’essentiel est ailleurs. «Le Maroc se classe 2e dans le pourtour méditerranéen (après la Turquie) en terme de biodiversité végétale et 1er pour sa biodiversité animale. Sans pour autant que l’inventaire de la faune animalière soit complet», affirme Mohammed Ribi, chef de la division réserves et parcs nationaux auprès du Haut commissariat des eaux et forêts (cf.www.leconomiste.com).
Il est à craindre que l’application de la loi sur les aires protégées révèle des surprises: les sites à proximité de zone urbaine (cas de la zone humide de Mohammedia et de Saïdia) ont déjà été saccagés par la promotion immobilière…