Algues marines
Les côtes marocaines recèlent une grande richesse en espèces d’algues d’intérêt économique et écologique, mais cette richesse est loin d’être complètement inventoriée, de grandes lacunes restant à combler : ainsi plusieurs zones rocheuses inaccessibles sur l’Atlantique n’ont pas encore été étudiées; les côtes des provinces sahariennes restent sous explorées ; beaucoup de travaux systématiques restent sans suivit et, enfin, de nombreuses espèces récoltées n’ont pas encore été déterminées par manque de flores nécessaires pour l’identification et la reconnaissance de ces espèces. Les richesses en phytoplancton restent également à évaluer.
On distingue parmi les algues des espèces benthiques fixées au substrat ou reposant sur le fond de la mer et des espèces pélagiques qui nagent ou flottent en suspension dans l’eau comme les algues unicellulaires microscopiques ou phytoplancton.
La flore macroalgale compte un total de 489 espèces, dont 303 Rhodophyceae (Algues rouges), 99 Phaeophyceae (Algues brunes) et 87 Chlorophyceae (Algues vertes). Les Cyanophyceae (Algues bleues procaryotes) sont représentées par 12 espèces et les Liliopsidae (Phanérogames ou Monocotylédones marines) par 4 espèces. Avec 381 espèces, la façade méditerranéenne est légèrement plus riche que la côte atlantique (323 espèces). Parmi la flore algale au sens strict, on peut déceler une certaine affinité des espèces pour chaque type de façade ; on a ainsi 108 espèces atlantiques, 166 méditerranéennes et 255 atlantico-méditeranéennes.
L’examen des origines phytogéographiques des espèces d'algues connues montre que plusieurs taxa d’origine atlantique ont franchi le Détroit de Gibraltar et se sont installés en Méditerranée Occidentale et particulièrement sur la façade marocaine, le Cap des Trois Fourches constituant la limite Est de propagation de ces espèces. Parmi ces espèces, le Gelidium sesquipedale, Gigartina pistillata, Fucus spiralis, Cystoseira humilis, C. gibraltarica et C.tamariscifolia. Des taxa d’origine tropicale non signalés sur la côte atlantique sont présents en Méditerranée comme: Sargassum acinarium, Acetabularia acetabulum, A. calyclus, Dasycladus vermicularis, Halimeda tuna, Udotea petiolata et Caulerpa prolifera. Parmi les espèces strictement méditerranéennes, il faut signaler : Rissoella verruculosa, Cystoseira mediterranea, C. crinita, C. spinosa, C. stricta et la phanérogame Posidonia oceanica.
Il est à noter qu’à l’échelle de la région méditerranéenne, on a recensé 500 Rhodophyceae, 200 Phaeophyceae et 200 Chlorophyceae. Le Maroc en tant que pays méditerranéen occupe donc une place convenable quant à sa richesse spécifique algale, bien que d’importants secteurs de ses côtes ne soient pas encore explorées.
Espèces introduites
L’apparition brutale d’une espèce d’algue dans une région où elle était inconnue auparavant résulte en général d’une introduction, le plus souvent d’origine anthropique. Au Maroc, aucune étude n’a été encore été réalisée jusqu’à présent dans ce sens.
Parmi les cas connus d’introductions récentes : Rhodophyceae (algues rouges) : Antithamnion algeriensis et Asparagopsis armata, respectivement originaires de la zone indopacifique et d’Australie. Chlorophyceae (algues vertes) : Codium fragile, Acetablularia calyculus et Caulerpa racemosa. Phaeophycées (Algues brunes) : Colpomenia perigrina.
Quoique ces introductions ne semblent avoir eu aucune incidence particulière, ni sur l’environnement, ni sur les activités économiques des régions concernées, un suivi scientifique doit être réalisé afin de limiter l’impact de toute introduction sur la diversité spécifique et les activités socio-économiques nationales.
Espèces envahissantes
L’acclimatation d’une plante dans un nouvel écosystème peut résulter en une véritable invasion pouvant aboutir à l’élimination des espèces indigènes et leur remplacement par un peuplement monospécifique de l’algue envahissante. Un cas d’invasion est signalé dans la Lagune de Nador (Sebkha Bou Areg) où l'on assiste à la disparition progressive de Posidonia oceanica, endémique méditerranéenne, suite à la prolifération de Caulerpa prolifera et autres espèces nouvelles.
Sur les côtes marocaines, on a recensé 7 espèces envahissantes (dont 6 dans la seule Lagune de Nador) appartenant toutes aux Chlorophycées :
- 3 Ulvacées (Enteromorpha intestinalis, Enteromorpha prolifera, Ulva olivascens),
- 3 Cladophoracées (Chaetomorpha linum, Cladophora vadorum, Cladophora globulina),
- 1 Caulerpacée (Caulerpa prolifera).
Enteromorpha intestinalis est la seule espèce présente à la fois en mer ouverte et au niveau lagunaire ; elle pullule sur plusieurs secteurs de la côte atlantique, en particulier à Jorf Lasfar où elle constitue un peuplement monospécifique s’étendant sur plusieurs kilomètres. Les autres espèces sont cantonnées pour le moment au niveau lagunaire. Le processus d’invasion, une fois déclenché, est difficile à arrêter.
La pullulation récente de ces espèces sur la Méditerranée marocaine est donc à prendre en considération, car elles sont susceptibles de modifier le fonctionnement de l’écosystème littoral et lagunaire.
Espèces menacées
On considère ici comme espèces menacées:
- les espèces dont le cycle de développement se fait avec difficulté ou très lentement ;
- les espèces qui commencent à disparaitre complètement des eaux superficielles et se confinent en profondeur à cause de la dégradation de leur milieu de vie habituel ;
- les espèces qui sont arrachées (anarchiquement) manuellement pour l’exploitation industrielle. Le Tableau 4 suivant donne la liste des espèces menacées.
Les espèces menacées sont au nombre de 21, dont 3 Chlorophyceae, 7 Phaeophyceae et 10 Rhodophyceae, auxquelles il faut ajouter une Liliopsidée (espèce phanérogame).
Un cas particulièrement frappant est l’élimination progressive des champs de grandes laminaires (Laminaria, Sacchoriza et Phyllariopsis) aussi bien de la côte atlantique que méditerranéenne; ces espèces semblent fuir les eaux superficielles pour descendre en profondeur (jusqu’à 30m). Certaines des algues rouges menacées sont exploitées industriellement pour l’extraction de l’agar-agar. Gelidium sesquipedale, l’espèce la plus recherchée pour son rendement élevé en agar, accuse une régression drastique due à sa surexploitation et dans une certaine mesure à la pollution, et ce malgré sa grande capacité de régénération végétative; sa récolte, autrefois par simple ramassage à marée basse, nécessite aujourd’hui la plongée à des profondeurs de plus en plus importantes. Concernant Posidonia oceanica, phanérogame endémique, sa régression progressive dans la lagune de Nador, qui est son seul site de prédilection au Maroc, est due essentiellement à la pollution et l’apparition d’espèces flottantes liées à celles-ci.
Certaines des espèces menacées peuvent faire l’objet d’une valorisation économique comme Bryopsis (algue verte), Laminaria et Sacchoriza (algues brunes), et plusieurs espèces d’algues rouges.
Espèces endémiques
La flore marine méditerranéenne marocaine renferme 2 espèces endémiques: l’algue rouge Rissoella verruculosa qui se rencontre entre le Cap des Trois Fourches et Al Hoceima, avec un peuplement moins important aux Iles Chaffarines, et l’espèce phanérogame Posidonia oceanica, localisée à Sebkha Bou Areg (Lagune de Nador). Cette dernière espèce est aujourd’hui menacée de disparition totale à cause de la pollution et l’apparition d’autres espèces (surtout des Chlorophyceae) adaptées aux eaux dégradées. Ces espèces peuvent soit flotter en surface empêchant ainsi le passage de la lumière, soit envahir directement l’herbier à Posidonia, causant son asphyxie (surtout Caulerpa prolifera). Ce taxon endémique, comme les autres espèces de sa famille, a une grande productivité primaire, permet la clarification de l’eau, retient les aliments en suspension et représente aussi une niche écologique pour beaucoup d’espèces animales. Sa préservation est donc de la plus haute importance.
Phytoplancton marin
Il est constitué d’algues microscopiques qui sont, soit pluricellulaires et filamenteuses, soit surtout uncicellulaires. On a recensé 68 espèces (chiffre vraisemblablement très sous-estimé) à ce jour à l’échelle nationale, dont 36 Diatomées, 22 Dinoflagellées, 3 Chrysophycées, 3 Chlorophycées, 2 Xanthophycées et 2 Coccolithophorridées.
L’abondance du phytoplancton dépend de la température de l’eau et de sa richesse en sels nutritifs (phosphates et nitrates). Le phytoplancton assure dans une large mesure la production primaire qui détermine la richesse des zones de pêche.
L’utilisation de plus en plus massive d’engrais en agriculture et de détergents a résulté en une augmentation rapide des apports minéraux vers les bassins versants puis vers les eaux littorales, ce qui a engendré, dans certains sites, surtout en Méditerranée (mer fermée), le développement d’un type de phytoplancton responsable du phénomène des marées rouges (« bloom »), et la prolifération d’espèces produisant des toxines (intoxication des bivalves et des poissons, quelquefois fatale pour l’homme). Ce sont surtout les Dinoflagellées qui sont responsables de ces deux phénomènes ; les principales espèces responsables des marées rouges sont Gonayaulax polygramma, Gymnodinium sp., Peredinium sp. et Noctiluca scintillans; l’intoxication des fruits de mer et des poissons est provoquée notamment par l’espèce Dinophysis acuta, ainsi que par Alexandrium tamarensis.
Les marées rouges peuvent durer de deux à quinze jours, disparaissant rapidement après épuisement des sels nutritifs, ou suite à des modifications hydrologiques (brassage des eaux) ou par des vents puissants avec changements de direction. Ces marées rouges sont quelquefois accompagnées d’une production de matière visqueuse organique d’origine phytoplanctonique pouvant réduire l’ éclairement et inhiber la productivité de l’écosystème, avec réduction consécutive de la pêche sardinière et dégradation de la qualité des stations balnéaires (crème gélatineuse à la surface de l’eau, toxines brûlantes au contact de la peau des baigneurs provoquant également divers troubles respiratoires, avec asthme, fièvre, douleurs articulaires et périorbitales, éruptions cutanées, etc..).